L’article 9 de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats fixe les règles du droit transitoire. Certaines dispositions sont d’application immédiate : ainsi les 3ème et 4ème alinéas de l’article 1123 et celles des articles 1158 et 1183. Il s’agit des textes qui permettent de notifier des demandes de confirmation. En dehors de ces trois exceptions, les dispositions de l’ordonnance entreront en vigueur lern1er octobre 2016 et il est précisé : « Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne ».
Les nouvelles règles du droit des contrats s’appliquent donc aux baux qui seront conclus ou renouvelés à compter du 1er octobre 2016 puisque un bail renouvelé est un nouveau contrat[1]. Les baux conclus avant le 1er octobre 2016 échappent à la loi nouvelle. Il en va de même des baux renouvelés avant cette date. L’article 9 de l’Ordonnance précise que les nouvelles dispositions ne s’appliquent pas aux procédures en cours, c’est-à-dire aux instances introduites avant le 1er octobre 2016 : « L’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation ». Cette disposition est conforme aux principes fondamentaux du droit transitoire[2]. Nous allons donc retrouver ici les débats que l’on a déjà connus ces derniers mois au sujet de l’application dans le temps de la loi Pinel, avec la nécessaire distinction de la date de conclusion du bail et de sa date de prise d’effet. Quatre hypothèses peuvent être envisagées.
n1° – Bail initial antérieur à la loi. Supposons que les parties signent un premier bail le 15 juin 2016, c’est-à-dire avant la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Les locaux ne sont toutefois pas immédiatement disponibles, pour une raison ou pour une autre : le bailleur doit faire certains travaux ; ou bien certaines surfaces doivent être libérées par les occupants actuels. La prise d’effet du bail est retardée de quelques mois. Le bail conclu le 15 juin 2016 doit prendre effet pour neuf années à compter du 1er janvier 2017. Sa date de prise d’effet est postérieure. Dans ce premier exemple, on est bien en présence d’un contrat conclu avant le 1er octobre 2016. La loi nouvelle ne s’applique pas. La date de prise d’effet importe peu.
n2° – Accord de renouvellement antérieur à la loi. Prenons les mêmes dates, et supposons qu’il ne s’agisse pas d’un bail initial mais d’un renouvellement. Les parties se mettent d’accord le 15 juin 2016 pour renouveler le bail pour neuf années à compter du 1er janvier 2017. Ce type d’accord n’est pas rare. Les parties signent l’acte de renouvellement quelques mois avant la date effective du renouvellement, pour diverses raisons : par exemple, le locataire doit engager des travaux et veut avoir l’assurance que son bail sera renouvelé ; ou bien le propriétaire envisage de vendre l’immeuble et veut pouvoir garantir un revenu. Prise d’effet du renouvellement de bail. Dans cette seconde hypothèse, on voit là encore que la conclusion du renouvellement de bail est antérieure à la loi nouvelle, même si sa prise d’effet est postérieure. On est en présence d’un contrat conclu avant le 1er octobre 2016 qui demeure donc soumis à la loi ancienne. La date de prise d’effet importe peu.
n3° – Accord de renouvellement postérieur à la loi . Examinons maintenant le cas classique d’un renouvellement de bail qui a été offert dans un congé ou dans une réponse à demande de renouvellement, et d’un accord sur les conditions, notamment financières, intervenant seulement après plusieurs mois. Le renouvellement doit prendre effet pour neuf années à compter du 1er janvier 2016, date antérieure à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Mais les parties, après avoir longuement discuté en 2016 et en 2017, se mettent finalement d’accord sur les conditions de ce renouvellement et signent l’acte de renouvellement le 10 octobre 2017, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Prise d’effet du renouvellement de bail Entrée en vigueur de la loi Signature du renouvellement de bail. Le renouvellement de bail, qui constitue un nouveau contrat, a été conclu le 10 octobre 2017. L’on n’est pas en présence d’un contrat conclu avant le 1er octobre 2016, même si l’accord des parties prend effet rétroactivement au 1er janvier 2016. Il ne faut pas confondre la date de conclusion du contrat et sa date de prise d’effet. Dans cette troisième hypothèse, les nouvelles dispositions du droit des contrats seront applicables, puisque l’on n’est pas en présence d’un contrat conclu avant le 1er octobre 2016, mais bien après cette date. La date de prise d’effet importe peu.
n4° – Fixation judiciaire du loyer de renouvellement postérieurement à la loi. Enfin, dernière hypothèse : le renouvellement du bail prend effet au 1er janvier 2016, mais les parties ne se mettent pas d’accord et une procédure est introduite après le 1er octobre 2016. Cette procédure aboutit à un jugement du juge des loyers commerciaux qui, le 10 octobre 2017, fixe le loyer de renouvellement. On suppose qu’ensuite les parties acceptent ce jugement : elles n’interjettent pas appel et elles n’exercent pas le droit d’option. On voit bien que dans cette quatrième hypothèse, la solution doit être identique à celle de la troisième hypothèse. A défaut d’appel ou d’exercice de droit d’option, le jugement vaut bail conformément aux dispositions de l’article L.145-57, alinéa 2, du Code de commerce. L’on n’est pas en présence d’un contrat conclu avant le 1er octobre 2016. Le contrat ne sera définitivement conclu qu’après le jugement rendu le 10 octobre 2017, s’il est accepté. Comme l’écrivait le Professeur Jean Derruppé dans son traité : « La décision judiciaire ne lie cependant pas les parties et la manifestation d’un nouveau concours de volonté est nécessaire à la formation définitive du bail »[3], car « tant que les conditions d’un bail ne sont pas définitivement fixées, chacune des parties demeure libre de ne pas se lier et ne peut se voir imposer le bail »[4]. Ce n’est pas parce qu’il prend effet au 1er janvier 2016 que le bail est conclu à cette date. La date de prise d’effet du bail est une chose ; sa date de conclusion autre chose. Le bail judiciairement renouvelé sera soumis aux nouvelles dispositions du droit des contrats. Cela paraît tout à fait normal puisque, par hypothèse, la procédure de fixation du loyer a été introduite après la loi nouvelle. L’accord des parties, accord tacite par acceptation du jugement, est également postérieur à la loi nouvelle. Il n’y pas lieu de traiter cette quatrième hypothèse différemment des trois autres. L’application ou non de la loi nouvelle dépend de la date de la conclusion du renouvellement. La date de prise d’effet importe peu. Le même raisonnement vaut pour l’application dans le temps de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite loi Pinel[5].
[1] Cass. 3e civ. 26 novembre 1985, Gaz. Pal. 1986.1.114, note Ph.-H. Brault ; Cass. 3e civ. 30 mai 1990, Gaz. Pal. 1991.1.307, note J.D. Barbier.[2] CEDH 28 octobre 1999, D. 2000, somm. p. 184, note N. Fricero ; Cass. Ass. plén. 23 janvier 2004, Administrer mars 2004, p. 21, note J.-D. Barbier.[3] J. Derruppé, R. Maus, G. Brière de L’Isle et P. Lafarge, Baux commerciaux, D. 1979, n° 605.rnrn[4] Cass. 3e civ. 30 avril 1969, Rev. loyers 1969, p. 422.rnrn[5] Sur la question voir : Application de la loi du 18 juin 2014 dans le temps, Gaz. Pal. des 8 et 9 août 2014, p. 47 ; Loi Pinel désaccords sur son application dans le temps, Gaz. Pal. des 12 et 14 avril 2015, p. 6 ; Libres propos, Gaz. Pal. des 14 et 18 août 2015, p. 3.rnrn