Août 2014 – Application de la loi du 18 juin 2014 dans le temps

1. La loi du 18 juin 2014 comporte certaines dispositions transitoires figurant dans ses articles 3, 13 et 21. Toutefois, ces dispositions transitoires n’englobent pas la totalité des règles nouvelles, mais seulement certaines d’entre elles. Pour les autres, à défaut de texte spécial, il convient de se référer aux règles générales du droit transitoire. On distinguera donc les nouveaux textes faisant l’objet de dispositions transitoires expresses (I) et ceux soumis aux règles générales de l’application de la loi dans le temps (II).

I – DISPOSITIONS TRANSITOIRES EXPRESSES

2. Un certain nombre de textes ne sont applicables qu’aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 (A), mais la loi a prévu certains cas particuliers (B).

A – DISPOSITIONS APPLICABLES AUX BAUX CONCLUS OU RENOUVELÉS A COMPTER DU 1er SEPTEMBRE 2014 .

Le II de l’article 21 de la loi du 18 juin 2014 précise que certaines dispositions « sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de ladite loi ». La loi ayant été promulguée le 18 juin 2014, le premier mois suivant est le mois de juillet, le second le mois d’août, et le premier jour du troisième mois le 1er septembre 2014. Il faut donc distinguer les contrats conclus ou renouvelés avant le 1er septembre 2014 de ceux qui le sont à compter du 1er septembre 2014. Dans le cadre d’un nouveau bail ou d’un renouvellement amiable, pour dire si sa conclusion est antérieure ou postérieure au 1er septembre 2014, faut-il prendre en compte la date de prise d’effet du contrat ou sa date de signature ?

4. A priori, il faut prendre en compte la date de la rencontre des consentements, puisque c’est à cette date que le contrat est conclu ou renouvelé. Mais sa date de prise d’effet peut être différente. Elle peut être antérieure. Lorsque les parties se mettent d’accord, en cours de procédure, sur le renouvellement du bail, elles signent un acte qui prend généralement effet rétroactivement. Le contrat est renouvelé le jour de la rencontre des consentements, c’est-à-dire, en principe, le jour de la signature de l’acte de renouvellement, même si ce renouvellement prend effet plusieurs années plus tôt. Un renouvellement amiable signé postérieurement au 31 août 2014 devrait donc être soumis à la loi nouvelle, même si sa date de prise d’effet est antérieure.

5. Inversement, un contrat peut avoir été signé antérieurement au 1er septembre 2014 et prendre effet postérieurement à cette date. Dans la mesure où sa date de conclusion est antérieure, la loi nouvelle ne devrait pas lui être applicable. Ce sera le cas des baux signés sous condition suspensive avant le 1er septembre 2014. Lorsque la condition est réalisée, elle rétroagit et le contrat est réputé conclu depuis la date de sa signature initiale. Il n’y a pas lieu de réitérer l’acte ultérieurement. Du fait de la rétroactivité de la condition accomplie, le contrat était parfait dès sa conclusion et il s’agissait bien d’un contrat « conclu » avant le 1er septembre 2014. Récemment, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler ces règles de droit à propos d’un contrat dont les conditions suspensives avaient été réalisées deux ans plus tard et la livraison de la chose louée quatre ans plus tard : le contrat n’en était pas moins « conclu » dès l’acte initial (1).

6. En l’absence d’accord des parties sur le loyer lors d’un renouvellement de bail, la situation juridique est particulière. Le bail à renouveler a pris fin par l’effet du congé ou de la demande de renouvellement. Le nouveau bail n’est pas encore conclu à défaut d’accord sur un nouveau prix. La phase qui s’ouvre n’est plus le bail ancien et pas encore le nouveau bail. Une réforme législative intervenant pendant cette période intermédiaire est donc en principe d’application immédiate, s’agissant d’une situation juridique en cours de constitution, comme cela avait été jugé à propos de la loi du 6 janvier 1986 (2).

Mais en l’occurrence, le législateur a repoussé l’application de la loi nouvelle aux renouvellements postérieurs au 31 août 2014. Si les parties ne se mettent pas d’accord sur un nouveau loyer avant le 1er septembre 2014, le renouvellement n’est pas conclu. Si une procédure de fixation du loyer de renouvellement est engagée, le renouvellement n’est pas acquis tant que la fixation du loyer n’est pas définitive. Plus précisément, le contrat n’est pas définitivement renouvelé tant que le délai d’exercice du droit d’option n’est pas expiré. L’accord définitif des parties pour conclure le renouvellement aux conditions fixées judiciairement suppose une manifestation de volonté au moins tacite, c’est-à-dire l’absence de notification de droit d’option. Le renouvellement n’est véritablement conclu qu’à la date de l’acceptation, tacite ou expresse, du prix proposé par le Juge.

Comme l’écrivaient les Professeurs Derruppé et Brière de l’Isle dans leur traité de 1979 : « Si le rôle du juge est d’acheminer les parties vers la conclusion du bail renouvelé, en déterminant le loyer, il ne consiste jamais à se substituer à elles pour parfaire leur convention. La décision judiciaire, lorsqu’elle est devenue définitive, ne lie cependant pas les parties et la manifestation d’un nouveau concours des volontés est nécessaire à la formation définitive du bail » (3). En effet, si l’une des parties manifeste son désaccord en exerçant son droit d’option, cette manifestation de volonté réduit à néant la décision judiciaire.

En cette matière, la décision des parties l’emporte sur la décision du juge, du moins pendant l’ultime délai du droit d’option. Ainsi, pour que le bail soit véritablement renouvelé dans un cadre judiciaire, il faut que les parties, après fixation, manifestent leur accord exprès sur le prix fixé, ou bien confirment leur acceptation tacite de ce prix en laissant passer le délai du droit d’option. Pendant la procédure de fixation du loyer du bail en renouvellement, les parties sont davantage dans un cadre légal que dans un cadre contractuel.

On ne sait pas encore si le bail sera finalement conclu. On est en présence d’un contrat en cours de constitution. Il n’y a pas encore de « contrat conclu ou renouvelé », au sens de l’article 21 de la loi du 18 juin 2014. Le législateur a bien visé les « contrats renouvelés » à compter du 1er septembre, non pas les renouvellements « prenant effet » à compter du 1er septembre. Si l’on suit cette analyse classique, qui distingue le bail en cours de renouvellement et le bail définitivement renouvelé, un renouvellement prenant effet avant la loi nouvelle lui serait soumis s’il n’est conclu qu’après le 31 août 2014, c’est-à-dire si le jugement et l’expiration du délai d’appel ou d’option sont postérieurs au 31 août 2014.

7. Prenons un exemple. Supposons un bail en renouvellement à effet du 1er janvier 2013 (avant la loi nouvelle). Supposons que le loyer soit fixé par un jugement rendu le 10 novembre 2014 (après la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle). Supposons enfin que, dans deux ans, au 15 décembre 2016, l’une des parties demande la révision du loyer sur le fondement de l’article L. 145-38 du Code de commerce. Appliquer a-t-on ce texte dans sa version ancienne ou dans sa version nouvelle ? Dans la version ancienne, le plafonnement se calcule avec l’ICC. Dans la nouvelle, avec l’ILC ou l’ILAT. Dans la version ancienne, le loyer déplafonné s’applique immédiatement ; dans la nouvelle, par paliers de 10 %. Si l’on considère que le bail n’a été « renouvelé » qu’après la fixation judiciaire définitivement acceptée du loyer de renouvellement, la loi nouvelle s’appliquerait, puisque, l’acceptation du loyer de renouvellement étant intervenue après le 1er septembre 2014, on serait en présence d’un « contrat renouvelé » après le 1er septembre 2014.

Mais si l’on considère qu’il faut se placer à la date d’effet du renouvellement, soit au 1er janvier 2013, la loi nouvelle ne s’appliquerait pas. Il nous semble que la première interprétation est plus conforme à l’analyse juridique du processus de renouvellement d’un bail commercial. Les baux conclus à la suite d’un accord des parties ou d’une fixation judiciaire acceptée postérieurement au 31 août 2014 devraient être soumis à la loi nouvelle, même si leur prise d’effet est antérieure. Ceci rappelé, les nouvelles dispositions applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 sont les suivantes. 1°- Le nouveau régime des baux dérogatoires

8. La loi nouvelle autorise des baux dérogatoires pour une durée de trois ans maximum, avec interdiction de conclure un nouveau bail à l’expiration de cette période. Par ailleurs, elle permet au bailleur de manifester son opposition au maintien dans les lieux jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à partir de l’échéance du bail dérogatoire. Enfin, la loi nouvelle oblige à l’établissement d’un état des lieux d’entrée et de sortie.

9. Ces nouvelles dispositions sont applicables « aux contrats conclus ou renouvelés» à compter du 1er septembre 2014. L’article 3 de la loi du 18 juin 2014 comporte toutefois une disposition particulière concernant l’état des lieux de sortie. Si un état des lieux a été établi lors de la prise de possession du local, dans le cadre d’un bail dérogatoire signé avant la loi nouvelle, les parties doivent établir un état des lieux de sortie conformément à la loi nouvelle. Hors ce cas, seuls les baux conclus à partir du 1er septembre 2014 sont soumis à la loi nouvelle.

10. Mais le législateur a également visé les contrats « renouvelés » à compter du 1er septembre 2014. Si un bail dérogatoire d’une durée d’un an était renouvelé à compter du 1er septembre 2014, il pourrait alors être renouvelé pour deux ans, puisque la loi nouvelle s’appliquerait. Sous la loi ancienne il n’aurait pu être renouvelé que pour une année supplémentaire puisqu’il ne fallait pas dépasser le total de deux ans. Sous la loi nouvelle il peut être renouvelé deux fois pour un an ou une fois pour deux ans, dès lors que la durée totale ne dépasse pas trois ans.

Certains conflits de loi peuvent être plus délicats. Que se passera-t-il pour un bail dérogatoire venant à expiration le 31 août 2014, si le bailleur ne manifeste pas, avant le 31 août, sa volonté de voir partir le locataire  ? Conformément à la jurisprudence ancienne, le maintien dans les lieux du locataire à partir du 1er septembre donnera naissance à un bail commercial soumis au statut. Mais ce renouvellement, à compter du 1er septembre 2014, sera soumis à la loi nouvelle qui autorise précisément le bailleur à manifester son opposition au renouvellement pendant un délai d’un mois suivant la date d’expiration du bail dérogatoire. Le bailleur pourrait donc demander à son locataire, courant septembre, conformément à la loi nouvelle, de libérer les locaux.

Mais il n’y aurait alors plus de renouvellement… et la loi nouvelle ne s’appliquerait donc pas. Le raisonnement conduit à une impasse : s’il y a un renouvellement, la loi nouvelle s’applique ; si la loi nouvelle s’applique, il n’y a pas de renouvellement ; donc, s’il y a un renouvellement, il n’y a pas de renouvellement…Seul l’arbitraire du juge offrira une issue, car il faut parfois un peu d’arbitraire pour arbitrer. 2°- La suppression de l’ICC et les paliers d’augmentation de 10 %

11. La loi du 18 juin 2014 supprime la référence à l’ICC pour le calcul du plafonnement prévu aux articles L.145-34 et L.145-38 du Code de commerce. Par ailleurs, lorsque le loyer est déplafonné, sur le fondement des articles L.145-34, L.145-38 ou L.145-39, la loi nouvelle prévoit que les augmentations ne s’appliqueront que par paliers annuels de 10 %.

12. Le CNCC et les représentants des bailleurs ont fait valoir que, pour assurer l’équilibre des conventions dans le cadre de la liberté contractuelle, les nouvelles dispositions financières ne devraient s’appliquer qu’aux baux conclus ou renouvelés après la loi nouvelle. C’est la version qui a été retenue. Ces dispositions sont applicables « aux contrats conclus ou renouvelés » à compter du 1er septembre 2014.

13. Si un bail a été conclu le 1er juillet 2014, pour neuf années à compter de cette date, il échappera donc à la loi nouvelle qui ne s’appliquera qu’à partir de son renouvellement au 1er juillet 2023… Le législateur a ainsi considérablement repoussé la date de prise d’effet de la loi nouvelle, notamment pour les révisions de loyer (dans l’exemple ci-dessus, les révisions triennales en juillet 2017 et en juillet 2020 échappent à la loi nouvelle). Pourtant certains ont fait observer que cette loi est probablement conjoncturelle, que le but des limitations des augmentations de loyer à 10 % l’an est de protéger les commerçants en raison de la crise actuelle et que ce texte sera sans doute réformé et supprimé lorsque l’économie nationale se sera redressée. Il faut croire que le législateur prévoit une aggravation de la crise en 2023, puisqu’il prend des mesures conjoncturelles applicables, pour certains baux, dans huit ou neuf ans,  et que, d’ici là, les commerçants qui ne peuvent pas faire face, mais dont les baux sont antérieurs au 1er septembre 2014, pourront seulement fermer leurs locaux et donner congé tous les trois ans.

14. En revanche, si un renouvellement, judiciaire ou amiable, est conclu à compter du 1er septembre 2014, les règles de fixation du loyer du bail renouvelé seront les nouvelles règles issues de la loi du 18 juin 2014.

15. La coexistence de l’ancien régime et du nouveau régime pendant un certain nombre d’années va aboutir à certaines incohérences et donner lieu à des ruptures d’égalité de traitement entre les commerçants. Le régime des paliers bénéficiera à certains commerçants dès 2014, alors que d’autres en seront privés pour des fixations en 2017 ou 2020 ! Ainsi, un commerçant dont le bail est renouvelé à effet du 1er octobre 2014 bénéficiera du régime des paliers. Mais un autre commerçant, dont le bail aura été renouvelé au 1er juillet 2014 ne pourra pas bénéficier du régime des paliers lors d’une révision de loyer déplafonné en 2017 ou en 2020.

16. On a vu ci-dessus (§ 6) qu’en cas de fixation judiciaire, le bail n’est « conclu ou renouvelé » qu’après le jugement définitif de fixation et qu’en conséquence la loi nouvelle devrait s’appliquer aux renouvellements de baux résultant d’une fixation judiciaire postérieure au 31 août 2014. Est-ce à dire que les nouvelles règles (suppression de l’ICC, paliers de 10 %) doivent s’appliquer aux fixations en cours ?  A première vue, la réponse est négative. En effet, la loi nouvelle n’est jamais applicable dans les procédures en cours.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé, sur le fondement de l’article 6 de la Convention Européenne, que « le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire du litige » (4). La Cour de cassation, en assemblée plénière, a jugé de la même façon que « si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives,  le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire du litige » (5).

17. Ainsi, à supposer que le législateur ait voulu que la loi s’applique aux contrats en cours de renouvellement mais non encore renouvelé le 1er septembre 2014, il resterait à démontrer « d’impérieux motifs d’intérêt général » justifiant l’application de la loi nouvelle dans les procédures en cours.  n’est pas contestable que les nouvelles dispositions légales, limitant les augmentations de loyer à des paliers annuels de 10 %, ont été dictées par l’état actuellement catastrophique du commerce et par la gravité de la crise. Une application rapide de la loi est donc souhaitable. Reste à savoir si la conjoncture et les difficultés du commerce constituent des motifs d’intérêt général suffisamment impérieux pour l’emporter sur le principe du procès équitable.

18. Si une procédure de fixation de loyer à hauteur du plafonnement a été engagée avant la loi nouvelle à la demande du bailleur, le loyer plafonné devra se calculer avec l’ICC, non avec l’ILC. Une modification de l’indice et du calcul, en cours de procédure, serait choquante et injustifiée. Si le nouvel indice est mieux adapté que l’ancien, il n’y a en tout cas pas « d’impérieux motifs d’intérêt général » pour appliquer le nouvel indice dans les procédures en cours.

19. La question de l’application des paliers de 10 % dans les procédures de déplafonnement en cours est plus délicate et va peut-être prêter à discussion. En effet, cette nouvelle disposition ne va pas « influer sur le dénouement judiciaire du litige ». La loi nouvelle ne touche pas aux motifs de déplafonnement ; elle ne porte pas non plus atteinte aux règles d’évaluation.

Qu’elle s’applique ou non aux procédures en cours, le déplafonnement et la valeur locative seront appréciés de la même façon. La loi nouvelle ne change pas les règles du jeu en cours de procédure. La solution du litige ne sera pas modifiée par la loi nouvelle. Les paliers de 10 % mis en place ne sont en effet  qu’une conséquence de la fixation judiciaire, une application de la décision. Le prix fixé par le Juge, dans des conditions de fond et de procédure inchangées, s’appliquera progressivement, par paliers, si on le soumet à la loi nouvelle.  Il faut voir si la règle des paliers de 10 % doit être invoquée dans les procédures en cours ; si le juge, en fixant le loyer, doit ou non rappeler que l’augmentation ne s’appliquera que par paliers ; si la règle des paliers participe de la fixation du loyer du bail en renouvellement.

Dans ce cas, la loi nouvelle ne serait pas applicable aux procédures en cours, à moins que les juges n’estiment que l’application immédiate est justifiée par d’impérieux motifs d’intérêt général. Mais si l’on considère que la règle des paliers ne détermine pas la fixation du loyer du bail en renouvellement ; si cette règle est sans influence sur la fixation du prix ; si les paliers ne sont qu’un effet de la décision de fixation, une modalité d’exécution du jugement, une suite de la fixation, alors la loi nouvelle pourra peut-être s’appliquer aux conséquences des fixations judiciaires qui étaient en cours au 1er septembre 2014.

20. A notre avis, pour les procédures de renouvellement en cours au 31 août 2014 : la loi nouvelle doit s’appliquer au bail renouvelé, puisque la fixation du loyer, donc la date de conclusion du renouvellement, est postérieure au 31 août 2014 ; mais la loi nouvelle ne doit pas s’appliquer au loyer de renouvellement lui-même, puisqu’il fait précisément l’objet d’une procédure en cours, vu les principes fondamentaux du procès équitable.

On peut toutefois hésiter quant à l’application des paliers, selon que l’on considère que la règle nouvelle concerne la procédure en cours (auquel cas elle ne serait pas applicable) ou seulement les suites de cette procédure (auquel cas elle peut être applicable). 3°- Les charges

21. L’article L.145-40-2 oblige à mentionner dans le contrat de bail la liste précise et limitative des charges dues. Le bailleur doit également fournir un état prévisionnel des travaux envisagés, et un état récapitulatif des travaux réalisés au cours des trois années précédentes. Le texte prévoit ensuite les modalités de répartition des charges dans les ensembles immobiliers comportant plusieurs locataires. Enfin, le texte renvoie à un décret d’application pour la définition des charges, impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent pas être imputés au locataire, et cette disposition est d’ordre public. Ces nouvelles obligations concernant les charges et l’information du locataire sont applicables « aux contrats conclus ou renouvelés » à compter du 1er septembre 2014.

22. Il n’y a pas de difficulté fondamentale à définir l’application de la loi dans le temps concernant les contrats « conclus » à compter du 1er septembre, sous réserve des observations précédentes concernant la date de la rencontre des consentements, et sous réserve du décret d’application attendu. La loi nouvelle, imposant des obligations rédactionnelles nouvelles, ne peut évidemment s’appliquer qu’à des contrats conclus après elle. La rencontre des consentements doit être postérieure au 1er septembre 2014, puisque ce consentement doit porter notamment sur la définition des charges, qu’il doit être éclairé par l’état prévisionnel des travaux et par les travaux réalisés dans le passé, et qu’il doit préciser la répartition des charges dans les ensembles immobiliers comportant plusieurs locataires.

23. Les difficultés vont se présenter lors des renouvellements de bail postérieurs au 30 août 2014 puisque deux règles de droit, toutes deux d’ordre public, l’une et l’autre contradictoires, vont se heurter. D’un côté, il est constant qu’un renouvellement de bail intervient aux clauses et conditions du bail expiré. C’est le principe même du droit au renouvellement, d’ordre public. La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler à de nombreuses reprises cette règle fondamentale : le renouvellement intervient aux mêmes clauses et conditions que celles du bail expiré et aucune juridiction n’a le pouvoir de modifier les clauses, même accessoires, du bail à renouveler (6).

De l’autre, l’article 21 de la loi nouvelle précise que les nouvelles dispositions doivent s’appliquer aux baux « renouvelés » à compter du 1er septembre 2014. On ne voit cependant pas comment, en pratique, le nouveau texte concernant la définition contractuelle des charges récupérables ou la définition des tantièmes de charges dus par le locataire pourrait s’appliquer lors d’un renouvellement, sauf accord amiable des parties.

Certes, le Juge pourrait éventuellement renvoyer les parties à rechercher un accord. Bien qu’il ne le dise pas, le nouveau texte pourrait sous-entendre une obligation de renégociation entre les parties à l’occasion du renouvellement, pour les baux ne précisant pas la répartition des charges entre le bailleur et le locataire. Mais si la tentative de rapprochement n’aboutit pas, la règle selon laquelle aucune juridiction n’a le pouvoir de modifier les clauses et conditions d’un contrat à l’occasion de son renouvellement, demeure intangible. D’ailleurs, aucune indication n’est donnée au juge pour suggérer une répartition des charges et taxes entre les parties, et encore moins pour l’imposer. Cela signifie qu’en réalité l’article L.145-40-2 du Code de commerce ne sera de fait applicable qu’aux nouveaux contrats conclus postérieurement au 30 août 2014.

24. Cependant, si le législateur n’a prévu aucune liste de répartition des charges entre les parties, il a prévu en revanche, dans le décret à paraître, une liste des charges, impôts, taxes et redevances qui ne peuvent pas être imputés au locataire. Toute clause contraire est nulle. Cette nouvelle disposition, quant à elle, s’appliquera bien aux baux renouvelés à compter du 1er septembre 2014, sous réserve du décret d’application. En effet, l’article L. 145-40-2 nouveau, concernant les charges, précise : « Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d’information des preneurs ». Or, l’article 1er du Code civil prévoit, pour les lois nouvelles, que « l’entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ».

B – CAS PARTICULIERS

25. Certains textes particuliers de la réforme font l’objet de dispositions transitoires expresses. 1°- Le congé des ayants droits du locataire décédé.

26. La loi nouvelle prévoit, à l’article L.145-4 du Code de commerce, que les ayants droits du locataire décédé peuvent donner congé immédiatement. L’article 21, I, de la loi du 18 juin 2014 précise que ce texte « s’applique à toute succession ouverte à compter de l’entrée en vigueur de la même loi ». L’entrée en vigueur de la loi est définie à l’article 1er du Code civil. Les lois entrent en vigueur « le lendemain de leur publication ». La loi a été publiée au Journal Officiel le 19 juin 2014. Par conséquent, le texte s’applique aux ayants droits d’un locataire décédé le 20 juin 2014 ou postérieurement. 2°- L’état des lieux de sortie

27. Les nouvelles règles concernant les états des lieux d’entrée ne s’appliquent par définition qu’aux contrats conclus après la loi nouvelle (voir ci-après : II, B, 8°). Pour les états des lieux de sortie, qu’il s’agisse d’un bail commercial ou d’un bail dérogatoire, le législateur a prévu que, lorsqu’un état des lieux d’entrée a été établi, même pour un bail conclu antérieurement à la loi nouvelle, les règles nouvelles s’appliquent à l’état des lieux de sortie. Ces dispositions transitoires figurent au II de l’article 3 et au II de l’article 13 de la loi du 18 juin 2014. 3°- Le droit de préemption du locataire.

28. L’article L.145-46-1 du Code de commerce prévoit désormais un droit de préemption au profit des locataires en cas de vente de l’immeuble loué. L’article 21, III, de la loi du 18 juin 2014, précise que ce droit de préemption « s’applique à toute cession d’un local intervenant à compter du sixième  mois qui suit la promulgation de la même loi ».

La loi ayant été publiée au Journal Officiel le 19 juin 2014, le premier mois suivant est le mois de juillet, le second le mois d’août, le troisième le mois de septembre, le quatrième le mois d’octobre, le cinquième le mois de novembre et le sixième le mois de décembre. La loi nouvelle devrait donc s’appliquer à toute vente intervenant à compter du mois de décembre 2014.

On peut toutefois hésiter entre la date du 1er décembre et celle du 18 décembre. A défaut de précision dans le texte, toute vente intervenant à compter du 1er décembre intervient bien à compter du sixième mois suivant la promulgation de la loi. La loi nouvelle devrait s’appliquer aux ventes intervenant dès le 1er décembre.

29. Cependant, si l’on procède à une lecture comparative de la loi, le II et le III de l’article 21 ne sont pas rédigés de la même façon. Le II, à propos des « contrats conclus ou renouvelés » à compter du 1er septembre, précise bien : « à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la loi ». Or, le III ne dit pas : « à compter du premier jour du sixième mois… » mais « A compter du sixième mois ». Certains pourraient donc soutenir que seules les ventes intervenant à compter du 18 décembre 2014 sont soumises au droit de préemption du locataire.

Cette lecture ne nous semble toutefois pas correcte, car le texte ne dit pas « six mois après la promulgation », mais « à compter du sixième mois ». Le texte ne vise pas un délai de six mois, mais le sixième mois calendaire. En raison de l’imprécision de la loi, on peut penser que les notaires et les parties elles-mêmes ne prendront pas le risque, en signant une vente entre le 1er et le 18 décembre, de passer outre le droit de préemption du locataire sanctionné par la nullité de la vente.

– APPLICATION DES RÈGLES GÉNÉRALES DU DROIT TRANSITOIRE

30. On rappellera le droit positif, notamment tel qu’il a été appliqué aux dernières réformes en matière de baux commerciaux (A) pour en faire ensuite application aux diverses dispositions nouvelles (B).

A – RAPPEL DU DROIT POSITIF

31. Le bail commercial est un contrat qui relève d’un statut légal comportant un certain nombre de dispositions d’ordre public. S’agissant d’un contrat, on distingue classiquement selon que le contrat est en cours de constitution ou qu’il est déjà conclu. 1° – La loi nouvelle s’applique immédiatement aux contrats en cours de constitution

32. C’est le cas d’un bail commercial en renouvellement, tant que le loyer n’est pas fixé amiablement ou judiciairement. 2° – La loi nouvelle s’applique-t-elle aux effets futurs des contrats en cours ?

33. Il faut distinguer l’effet immédiat de l’effet rétroactif. La loi nouvelle ne peut pas atteindre les effets passés des contrats en cours, car elle aurait alors un effet rétroactif prohibé par l’article 2 du Code civil. Si elle s’applique aux effets futurs des contrats en cours, il s’agit d’une application immédiate de la loi nouvelle. L’application immédiate de la loi nouvelle constitue le principe. Selon la formule du doyen Roubier : « L’effet rétroactif, c’est l’application dans le passé ; l’effet immédiat, l’application dans le présent (…) l’effet rétroactif de la loi est strictement prohibé par l’article 2 du Code civil (…) au contraire l’effet immédiat de la loi constitue le droit commun » (7).

34. Cependant, en matière contractuelle, on continue d’enseigner que les effets des contrats resteraient régis par la loi en vigueur à l’époque où ils ont été conclus. Il y aurait ce qu’on appelle la survie de la loi ancienne, qui déroge au principe de l’application immédiate de la loi nouvelle. S’agissant d’une exception, elle doit être réduite à son strict domaine. Elle n’est justifiée que par le respect dû aux légitimes prévisions des contractants. La survie de la loi ancienne doit être réduite autant que possible.

35. En premier lieu, cette exception maintient une dualité de législation. Or « en France tous les citoyens sont soumis à une seule et même règle de droit ; c’est ce que l’on appelle le principe de l’unité de législation » (8). On a vu ci-dessus le caractère choquant de la survie de la loi ancienne, en l’occurrence par l’effet d’une disposition législative expresse, à savoir celle qui en retarde l’application seulement aux contrats conclus ou renouvelés postérieurement au 1er septembre 2014 : certains locataires, dans les années qui viennent, vont bénéficier de l’étalement des augmentations de loyer par paliers ; d’autres non. Cette dualité de traitement ne trouve guère de justification et, en l’absence de dispositions transitoires expresses, elle aurait été évitée, puisque la règle des paliers constitue incontestablement un effet légal, non contractuel, d’une situation en cours.

36. En second lieu, le fondement de la survie de la loi ancienne, à savoir le respect dû aux prévisions contractuelles des parties, est fortement ébranlé dans le monde moderne. Cela est particulièrement sensible dans le domaine des baux commerciaux, puisque le bail est aujourd’hui un contrat non négocié, un contrat d’adhésion correspondant davantage à un règlement de police rédigé par le bailleur qu’à une convention librement conclue. La liberté contractuelle a perdu son prestige. Le contrat n’est plus l’œuvre de la liberté, mais le résultat de la contrainte. Il ne mérite plus la prééminence qu’on lui accordait (9).

37. Enfin, la survie de la loi ancienne en matière contractuelle souffre deux exceptions importantes. L’ordre public d’une part, le statut légal d’autre part. Lorsqu’une loi est d’ordre public, notamment dans les domaines économique et social, elle est d’application immédiate, sans exception. Il en va de même lorsqu’un contrat relève d’un statut légal, tel le contrat de travail ou le bail commercial.

38. C’est pourquoi la tendance actuelle, dans le domaine contractuel, va dans le sens de l’application immédiate de la loi nouvelle. L’application immédiate de la loi nouvelle aux baux en cours a été retenue par la jurisprudence lors des réformes intervenues en droit des baux commerciaux au cours des dernières décennies.

39. La loi du 6 janvier 1986, réformant le système du plafonnement, a été jugé immédiatement applicable même aux congés signifiés avant sa promulgation. La Cour de cassation a rappelé que « la loi nouvelle régit immédiatement les effets des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées » (10).

La loi Murcef du 11 décembre 2001, qui a interdit les demandes de révision à la baisse sur le fondement de l’article L.145-38 du Code de commerce en l’absence de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, a été jugée immédiatement applicable, même aux demandes de révision notifiées antérieurement à la loi nouvelle, c’est-à-dire aux effets des baux en cours (11).

Enfin, la loi dite LME du 4 août 2008, a également été jugée immédiatement applicable aux contrats en cours, concernant la date pour laquelle les congés doivent être signifiés. La Cour de cassation a rappelé à nouveau le principe : « Les effets légaux d’un contrat (sont) régis par la loi en vigueur à la date où ils se produisent » (12)

40. En revanche, que l’on soit en matière contractuelle ou en matière légale, le principe de la séparation des pouvoirs et le principe du procès équitable interdisent l’application de la loi nouvelle dans les procédures en cours, sauf motifs d’intérêt général particuliers et impérieux.

B – EXAMEN DES NOUVEAUX TEXTES NON SOUMIS À DES DISPOSITIONS  TRANSITOIRES PARTICULIÈRES

41. Il s’agit des textes suivants.1° – Le droit de préemption des communes

42. L’article L.145-2, III, du Code de commerce est modifié pour faciliter l’exercice du droit de préemption des communes. Ce droit de préemption résulte d’une disposition légale, nullement du contrat. L’application immédiate de la réforme ne pose pas de difficulté. 2° – Le congé triennal du locataire et l’interdiction des clauses contraires

43. La loi nouvelle répute non écrites les clauses qui interdisent au locataire de donner congé à l’expiration d’une période triennale. Pour la survie de la loi ancienne, on peut faire valoir que les clauses prévoyant une durée ferme de six ans, voire de neuf ans, étaient jusqu’à présent valables et que l’application immédiate de la loi nouvelle peut porter atteinte aux légitimes prévisions des cocontractants. Certains bailleurs feront peut-être valoir qu’ils ont procédé à des investissements pour donner les locaux à bail, en contrepartie d’une garantie de retour sur investissement pendant au moins six ans et que, si le locataire part au bout de trois ans, l’équilibre du contrat est rompu. Le locataire désirant partir pourra répondre, en fait, que le bailleur récupère ses investissements et qu’il peut relouer. Mais surtout, en droit, la réforme est un texte d’ordre public qui intervient sur un droit statutaire. Le droit de donner congé à l’expiration d’une période triennale est un droit légal.

44. L’application immédiate de la réforme est conforme à l’intention du législateur. Ce dernier aurait pu repousser l’application de cette disposition aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, comme il l’a fait pour d’autres dispositions. Mais le 1° de l’article 2 de la loi du 18 juin 2014 n’est pas visé par le II de l’article 21. La survie de la loi ancienne, le report de la loi nouvelle aux baux conclus ou renouvelés postérieurement à sa promulgation, ne respecterait pas, a contrario, l’article 21 de la loi du 18 juin 2014.

Le rétablissement de la faculté d’ordre public de donner congé tous les trois ans correspond à une nécessité présente et pressante. Dans la conjoncture actuelle, il est nécessaire que les entreprises puissent se réorganiser rapidement, quitter certains locaux où l’activité est déficitaire, réduire ou modifier leurs surfaces d’exploitation. C’est bien ce qui avait été exposé par les commerçants (13) au législateur pour obtenir cette réforme urgente. 3° – La convention d’occupation précaire.

45. Le législateur a repris, dans l’article L.145-5-1 du code de commerce, la définition jusqu’à présent prétorienne de la convention d’occupation précaire. S’agissant de l’entérinement de la jurisprudence existante, la règle de droit est inchangée et il n’y a donc pas de difficulté d’application de la loi dans le temps. 4° – Le congé par lettre recommandée

46. La forme du congé relève de la loi, non du contrat. Comme cela a déjà été jugé pour la date d’effet des congés à propos de l’application dans le temps de la loi du 4 août 2008, la loi nouvelle est d’application immédiate (14).

47. Rappelons toutefois que la loi ne s’applique pas dans les procédures en cours, ce qui pourrait éventuellement conduire à des situations paradoxales. Certains baux mal rédigés comportaient en effet des clauses contractuelles prévoyant que le locataire devait donner congé par lettre recommandée. Ces clauses étaient jusqu’à présent nulles. Elles sont désormais conformes à la loi nouvelle. Mais s’il on n’applique pas la loi nouvelle aux procédures en cours portant sur des congés de locataires signifiés par lettres recommandées, ces congés resteraient nuls. Le locataire qui aurait donné congé par lettre recommandée, en se conformant au contrat, et alors même que la loi nouvelle valide une telle clause, se verrait opposer la loi ancienne. La survie de la loi ancienne en l’espèce est discutable puisque son fondement même est sapé : les parties avaient elles-mêmes prévu que le congé pouvait être notifié par lettre recommandée. La jurisprudence aura à dire si, dans de tels cas, le principe du procès équitable doit l’emporter sur, d’une part,  les prévisions des cocontractants eux-mêmes, et d’autre part, l’ordre public de la loi nouvelle. 5° – Les clauses réputées non écrites

48. Les articles L.145-15 et L.145-16 du Code de commerce déclaraient nuls un certain nombre de clauses contraires au statut des baux commerciaux. La loi du 18 juin 2014 a remplacé le régime de la nullité par le régime du réputé non écrit. La différence entre les deux sanctions tient à la prescription. Alors que l’action en nullité est soumise à la prescription biennale, la clause réputée non écrite est inexistante et aucune prescription ne peut être opposée à cette sanction.

49. La loi nouvelle doit être d’application immédiate puisqu’elle ne modifie pas le contrat, mais le régime d’une sanction légale. La loi intervient dans une matière statutaire, sur une question d’ordre public. La survie de la loi ancienne, parfois invoquée en matière contractuelle, n’est ici pas justifiée, puisqu’elle a pour fondement le respect dû aux légitimes prévisions des contractants. En l’occurrence, les contractants ne peuvent pas soutenir avoir légitimement prévus le maintien d’une clause nulle, déjà contraire à l’ordre public lors de la signature du bail. 6° – La garantie du cédant

50. Les nouveaux articles L.145-16-1 et L.145-16-2, concernant la garantie du cédant en cas de cession du bail, obligent le bailleur à une obligation d’information de tout défaut de paiement vis-à-vis du cédant et limitent la garantie de celui-ci à une durée de trois ans.

51.Concernant l’obligation d’information du bailleur, le texte ne fait que reprendre une obligation contractuelle de droit commun. Le texte ne prévoit d’ailleurs aucune sanction particulière. Il ne modifie pas sensiblement l’état du droit.

52. L’article L.145-16-2, quant à lui, modifie la portée de la clause de garantie puisque, jusqu’à présent, cette garantie pouvait être mise en jeu jusqu’à la fin du bail en cours, alors que désormais, elle ne peut plus l’être que pour trois ans à compter de la cession.

53. La qualification d’ordre public des nouveaux textes peut prêter à discussion. Ils ne sont pas expressément visés par l’article L.145-15. Toutefois, ils interviennent dans la suite de l’article L.145-16. La Cour de cassation aura à dire si les clauses contraires sont valables ou non. Si l’on considère que les nouveaux textes sont d’ordre public, la loi nouvelle serait d’application immédiate aux contrats en cours. Dans le cas contraire, le bailleur bénéficiaire d’une clause de garantie du cédant, pourra faire valoir que cette garantie relève strictement du domaine contractuel, non du domaine légal, ce qui militerait pour la survie de la loi ancienne. Il reste que la loi nouvelle étend le domaine statutaire, en renforçant le droit de cession du locataire. La réforme d’un statut légal est en principe d’application immédiate. 7° – Les commissions de conciliation

54. La loi nouvelle étend le domaine de compétence de la commission départementale de conciliation qui peut désormais être saisie des litiges relatifs aux charges et aux travaux. S’agissant d’une loi de procédure, elle est d’application immédiate. 8° – L’état des lieux

55. L’article L.145-40-1 nouveau oblige à établir un état des lieux lors de la conclusion du bail, lors de la cession du bail et lors de la restitution des locaux. Concernant l’état des lieux d’entrée, lors de la conclusion d’un bail, le nouveau texte ne s’applique par définition qu’aux baux conclus après la promulgation de la loi.

56. Concernant l’état des lieux de sortie, la loi du 18 janvier 2014 comporte des dispositions transitoires expresses vues ci-dessus. L’obligation d’établir un état des lieux de sortie, pour les baux en cours, ne concerne que les baux pour lesquels un état des lieux d’entrée avait été établi (15). A contrario, la loi nouvelle n’est pas applicable aux contrats en cours pour lesquels un état des lieux d’entrée n’a pas été établi. Enfin, concernant l’état des lieux qui doit être dressé à l’occasion d’une cession du bail, ces nouvelles dispositions devraient être applicables aux contrats en cours, puisqu’il s’agit d’un effet légal de la situation juridique.

—————————————————————————————————————-Cass. 3e civ. 25 mars 2014, Administrer mai 2014, p.32, note J.-D. Barbier. Voir notre étude : Baux commerciaux, Le point du droit transitoire, Gaz. Pal. des 24 et 25 février 1989, doctr. p.2. J. Derruppé, G. Brière de l’Isle, R. Maus, P. Lafarge, Baux commerciaux, D. 1979,rntn° 605, p. 328. CEDH 28 octobre 1999, D. 2000, somm. p.184, note N. Fricero ; JCP éd. G 2000, I, 202, note F. Sudre. Cass. Ass. Plén. 23 janvier 2004, Administrer mars 2004, p.21, note J.-D. Barbier. Cass. 3e civ. 30 mai 1984, Gaz. Pal. 1985, 1, panor. p. 19 ; Cass. 3e civ. 14 octobre 1987, Gaz ; Pal. 1987, 2, panor. p. 277 ; Cass. 3e civ. 6 mars 1991, Administrer février 1992, p.28, note J.-P. Forestier, D. 1992, somm. p.364, note L. Rozès ; Cass. 3e civ. 17 mai 2006, Gaz. Pal. du 16 décembre 2006, p.22, note J.-D. Barbier. P. Roubier, Le droit transitoire, 2ème éd. 1960, p.177 et 179. Ph. Malinvaud, Introduction à l’étude du droit, Litec n°160. Sur la question voir F. Auque, AJDI août 2007, p. 536 ; J.-R. Bouyeure et J.-D. Barbier, Le monde à part des centres commerciaux, Administrer juillet 2003, p. 21 ; J.-D. Barbier, Ordre public, ordre privé, Gaz. Pal. des 28 et 29 septembre 2012, p. 7 Cass. 3e civ. 16 décembre 1987, Gaz. Pal. 1988, 1, 84, note J.-D. Barbier ; voir aussi notre étude : Baux commerciaux, le point du droit transitoire, Gaz.Pal. des 24 et 25 février 1989, doctr. p. 2. Cass. 3e civ. 4 mai 2006, pourvoi n° 05-10555 : La loi du 11 décembre 2001 a été jugée applicable à une demande de révision de loyer formée à effet du 23 avril 2001 Cass. 3e civ. 3 juillet 2013, n°12-21541, Gaz. Pal. des 2 et 3 août 2013, p.34, note J.-D. Barbier. Alliance du Commerce et Procos Cass. 3e civ. 3 juillet 2013, Gaz. Pal. des 2 et 3 août 2013, p.34, note J.-D. Barbier. Voir le II de l’article 13 et le II de l’article 3 de la loi du 18 juin 2014

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