RÉSUMÉ.
Au cours de l’instance judiciaire relative à la fixation du loyer du bail renouvelé, la bailleresse a, le 10 mars 2006, notifié l’exercice de son droit d’option et refusé le renouvellement du bail. A violé les articles L.145-12 et L.145-57 du Code de commerce, la Cour d’appel qui, après avoir reconnu à la locataire le droit au paiement d’une indemnité d’éviction, retient que l’indemnité d’occupation est due à compter du 10 mars 2006, tout en constatant que la locataire avait, les 31 juillet et 8 août 2002, demandé le renouvellement du bail, cette demande ayant pour effet de mettre un terme au titre locatif à compter du terme d’usage la suivant.
COMMENTAIRE PAR JEHAN-DENIS BARBIER.
Lorsque le bailleur, qui a d’abord accepté le principe du renouvellement du bail, exerce son droit d’option sur le fondement de l’article L.145-57 du Code de commerce, et décide donc de refuser le renouvellement du bail, le locataire se trouve rétroactivement débiteur d’une indemnité d’occupation depuis la date d’expiration de son bail. C’est ce que rappelle la Cour de cassation en cassant un arrêt de la Cour d’appel de Versailles, qui avait fixé le point de départ de l’indemnité d’occupation à la date de la notification du droit d’option (1). L’indemnité d’occupation n’est pas due à compter de la date de notification de l’option, mais à compter de la date à laquelle le bail a pris fin.
En l’espèce, la société locataire avait formé une demande de renouvellement de son bail. La Cour de cassation rappelle que cette demande de renouvellement avait eu “pour effet de mettre un terme au titre locatif”. Effectivement, depuis la réforme du 4 août 2008, la demande de renouvellement est placée au même rang que le congé, en tant qu’acte unilatéral par lequel son auteur met fin au bail en cours ou à la tacite reconduction (2).
Le bail avait donc pris fin au terme d’usage suivant la demande de renouvellement (soit, depuis la réforme de 2008, au terme du trimestre civil suivant) et comme la société bailleresse avait accepté, dans un premier temps, le principe du renouvellement du bail, une instance judiciaire avait été engagée pour fixer le loyer du bail renouvelé. Toutefois, le bail n’était pas définitivement renouvelé, puisque précisément le prix n’en était pas encore fixé. Cette période intermédiaire, pendant laquelle “le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien”, comme il est dit à l’article L.145-57 du Code de commerce, débute à l’expiration du bail.
Plusieurs issues sont ensuite possibles :
– Soit le loyer est définitivement fixé et les parties l’acceptent, auquel cas le bail renouvelé prend effet rétroactivement au lendemain de l’expiration du bail précédent.
– Soit l’une ou l’autre des parties exerce son droit d’option, ou bien le bailleur rétracte son offre de renouvellement pour des motifs graves et légitimes, ou en raison d’une cause d’exclusion du statut des baux commerciaux : dans tous ces cas, le bail n’étant finalement pas renouvelé, le locataire se trouve rétroactivement débiteur d’une indemnité d’occupation depuis la date d’expiration du bail précédent (3).
Le point de départ de l’indemnité d’occupation ne doit donc pas être fixé à la date de la notification du droit d’option. L’indemnité est bien due depuis la fin du bail. C’est l’option finale des parties qui permet de qualifier rétroactivement la période antérieure : bail renouvelé ou maintien dans les lieux ; et qui permet également de qualifier les sommes dues : loyer ou indemnité d’occupation. (1)
Voir Jurisclasseur, bail à loyer, fasc. 1345.rnrn(2) Sur la question, voir J.-D. Barbier, La réforme du statut des baux commerciaux par la Loi LME du 4 août 2008, IV : Consécration du rôle de la demande de renouvellement, Gaz. Pal. des 12 et 13 septembre 2008, doctr. p. 2.rnrn(3) Sur la qualification de cette indemnité d’occupation, voir J.-D. Barbier, Les indemnités d’occupation de locaux commerciaux, Gaz. Pal. des 15 et 16 décembre 2006, doct. p 11.