RÉSUMÉ .
Lorsque l’inscription du preneur au registre du commerce ne comprend pas l’activité effectivement exercée dans les lieux loués, le bailleur peut soutenir que le statut des baux commerciaux n’est pas applicable.
COMMENTAIRE PAR JEHAN-DENIS BARBIER
Cet arrêt parait bien sévère. Le bail avait été consenti pour le commerce de “vente de fleurs ou encore vente d’articles quincaillerie-cadeaux ou enfin vente de produits diététiques”. Par la suite, par avenant, la clause de destination fut complétée pour autoriser l’activité de “articles et vêtements de sport”. Les locataires exploitaient effectivement un commerce de vente d’articles et de vêtements de sports, mais leur immatriculation au registre du commerce mentionnait toujours l’activité de “achat et vente d’articles d’artisanat, cadeaux, souvenirs au détail”.
Dans le cadre d’une procédure d’éviction, alors même que l’indemnité d’éviction avait été offerte, les propriétaires rétractèrent leur offre en faisant valoir que l’inscription des locataires au registre du commerce n’était pas régulière. La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, décide que “le preneur n’a droit au renouvellement qu’à la condition que l’activité exploitée dans les lieux soit la même pour laquelle il est immatriculé au registre du commerce et des sociétés et qui correspond à l’activité exercée dans le bail”.
La Cour de cassation rappelle que le bailleur peut “à tout moment de la procédure soutenir que le statut des baux commerciaux n’est pas applicable en l’absence de l’une des conditions essentielles du droit au renouvellement” (1). La Cour d’appel avait décidé que “l’immatriculation doit être régulière au regard des prescriptions régissant le registre du commerce et des sociétés”, notamment au regard du texte “prévoyant que doit être déclarée l’activité exercée”. La Cour de cassation approuve. Est-ce à dire que toute inexactitude dans la déclaration d’immatriculation priverait le locataire commerçant du droit au statut des baux commerciaux, et plus précisément du droit au renouvellement ou à indemnité d’éviction ? Pour les personnes physiques, les articles R.123-37 et R.123-38 du Code de commerce précisent que doivent être déclarées, notamment :
les nom, nom d’usage, pseudonymes, prénoms et domicile personnel,
les date et lieux de naissances,
la nationalité,
l’éventuelle d’aration d’insaisissabilité sur la résidence principale,
l’éventuel contrat d’appui au projet d’entreprise,
les nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et nationalité du conjoint qui collabore effectivement à l’activité commerciale,
les immatriculations secondaires,
les activités exercées,
l’adresse de l’établissement, etc…
On voit bien l’outrance d’une solution consistant à sanctionner la moindre erreur de déclaration par une déchéance du droit au statut des baux commerciaux et l’excès de la formule générale selon laquelle “l’immatriculation doit être régulière”, si on exige une régularité à la lettre et à la virgule près. Loin de faire preuve d’une telle rigueur, la Cour de cassation a, au contraire, limité, ces dernières années, le domaine de la condition d’immatriculation (2). Il paraît donc plus raisonnable de cantonner la portée de cet arrêt à l’activité effectivement exercée dans les lieux loués.
C’est l’établissement qui doit être immatriculé. L’établissement se caractérise par une exploitation, une activité effective. C’est pourquoi une immatriculation ne mentionnant pas l’activité effective du locataire ne lui permettrait pas de bénéficier du statut des baux commerciaux. Il convient de rapprocher cet arrêt de la jurisprudence plus ancienne selon laquelle, indépendamment de la question de l’immatriculation, pour prétendre au droit au renouvellement, le locataire doit exploiter effectivement dans les lieux loués l’activité autorisée par le bail, non une autre activité (3). Le statut des baux commerciaux protège le fonds de commerce.
La règlementation figure sous le titre du Code de commerce : “Du fonds de commerce”. Un fonds de commerce se définit par une activité effective et l’on comprend que l’exploitation de cette activité conformément au bail et sa mention au registre du commerce soient nécessaires. (1) J.-D. Barbier, Le prétendu principe de l’immutabilité de motifs du congé, Administrer août-septembre 1998, p. 18 ; Cass. 3e civ. 9 octobre 1991, Gaz. Pal. 1992, II, 561 ; Cass. 3e civ. 23 février 1994, Administrer novembre 1994, p. 31. (2) Voir J.-D. Barbier, Particularités de l’obligation d’immatriculation au registre du commerce en droit spécial des baux commerciaux, AJDI décembre 2005, p. 887. (3) Cass.3e civ. 14 juin 2006, Gaz. Pal. des 15 et 16 décembre 2006, p. 25, note J.-D. Barbier ; Cass. com. 3 janvier 1963, Bul. cass. 1963, III, n° 4, p.4.